☘️ Verdir le capitalisme grâce aux tokens ?
Interview avec Enée Bussac, enseignant, conférencier et entrepreneur
✨ Bonjour à tous,
Je suis très heureux de vous retrouver pour une nouvelle interview. Pour l’édition d’aujourd’hui, j’ai interrogé 🎙 Enée Bussac, enseignant, auteur conférencier et entrepreneur dans les nouvelles technologies.
Pour info, j’ai parlé de son dernier livre “Blockchain et monnaies numériques” dans le cadre de ma newsletter backstage sur Linkedin qui a pour objectif de vous faire découvrir “l’envers du décor”, c’est-à-dire les lectures 📚 qui alimentent mes réflexions !
Comme je l’ai indiqué dans ma lettre de lancement de la saison II de Lettres Ouvertes, je veux progressivement passer au deuxième étage de la fusée 🚀 de ma newsletter : après avoir commencé à poser le cadre d’analyse, je souhaite désormais parler de manière concomitante de projets qui se montent.
L’idée est donc de présenter des startups ou des applications dont la mission principale est de transformer notre modèle économique grâce aux apports des technologies numériques. De la sorte, Enée Bussac explique que les cryptos et les registres distribués sont de nature à fonder une écologie économique 🍀 qu’il décrit de la manière suivante :
“Un système économique et monétaire dans lequel l’impact environnemental causé par la production de biens et services est systématiquement évalué, affiché et pris en compte dans la tarification selon une méthodologie communément admise et dans lequel il est financièrement avantageux de concevoir, de produire, de commercialiser et d’acheter des biens et services à impact environnemental faible, neutre ou positif”.
Son projet s’inscrit dans la continuité de mon rapport mensuel de septembre où j’ai évoqué les “crypto cities”, des initiatives cryptos que l’on déploie à petite échelle. La startup fondée par Enée a pour mission d’émettre des tokens qui seront utilisés dans la ville de Berlin d’abord et ailleurs ensuite.
💌 Si vous n’êtes pas encore inscrit à ma newsletter, il est grand temps de le faire à partir du lien qui suit :
Enée, peux-tu nous présenter ta startup CO2mmon ?
E.B. : Je travaille sur CO2mmon avec trois autres personnes depuis deux ans et je souhaite réconcilier économie et environnement. Il s’agit d’un système de fidélité pour des salariés d’entreprise ou des citoyens basé exclusivement sur leurs émissions de CO2, au départ dans la mobilité. Mon projet est soutenu par la ville de Berlin où je réside et où je souhaite déployer notre application destinée à enregistrer le comportement environnemental de l’utilisateur.
Dès qu’un utilisateur économise 1kg de CO21, un greencent, un token prochainement émis sur une blockchain par l’application, lui est reversé. Il peut ensuite le dépenser dans les commerces éco-responsables partenaires qui l’acceptent comme moyen de paiement/point de fidélité.
Nous avons déjà convaincu 11 magasins et restaurants à Budapest, Berlin et Munich de faire partie de nos partenaires. Nous souhaitons désormais convaincre de grandes entreprises, comme Moovster l’a fait récemment avec BMW, d’adopter le Greencent pour leurs employés.
📝 Pour résumer : CO2mmon est un programme de fidélité de nouvelle génération qui rémunère ses utilisateurs lorsqu’ils économisent du CO2. Beaucoup d’applications telles que Moovster, Stripe, Ciclogreen ou DB Rad de la SNCF allemande se déploient actuellement en Allemagne avec des concepts similaires. Toutes les entreprises ont intérêt à s’y mettre et j’espère que ce sera bientôt une obligation.
Finalement, il s’agit de créer des incitations économiques et pas de taxer pour faire émerger une véritable écologie de marché.
La token économie peut-elle continuer à se développer ?
E.B. : Je contribue au développement de cette token économie, j’espère y contribuer activement et je pense qu’elle va continuer à se développer.
✅ Il est possible d’utiliser les registres numériques pour des paiements instantanés et des transferts d’information et de valeur en temps réel, ce que je décris en détail dans mon livre dans la partie sur l’identité et l’économie numériques. D’ailleurs, cela peut être intéressant pour les gouvernements, notamment pour le paiement de la TVA, pour individualiser le prélèvement des impôts et le versement des allocations. Les monnaies numériques peuvent également être codées pour certaines utilisations spécifiques.
⚠️ Un point de vigilance : il y a énormément d’arnaques dans le secteur. Évidemment, le gouvernement a un rôle à jouer à ce niveau.
Quelles sont les imperfections de notre modèle économique ?
E.B. : Je pense que notre modèle de consommation ne fonctionne pas en raison de trois grands problèmes :
💣 D’abord, il y a la planche à billets des banques centrales, c’est-à-dire des gouvernements qui creusent les dettes à un niveau historique, ça fausse le système. Les gouvernements se sont trop appropriés le contrôle de l’argent. On utilise donc de la “mauvaise monnaie” qui ne cesse de perdre de la valeur. Du coup, la masse monétaire explose alors que l’économie n’explose pas ;
💣 Ensuite, il y a l’utilisation des fonds publiques qui reste opaque, on ne sait pas comment l’impôt est dépensé ;
💣 Enfin, il y a un système économique qui ignore totalement l’environnement. Comme le montre le graphique suivant, il y a une corrélation entre le niveau de revenus et l’émission de CO2 :
L’économie numérique avec de nouvelles formes de monnaies et des registres distribués permettent de proposer des modèles alternatifs au système actuel. L’autre étape consiste à expliquer simplement les problèmes pour faire adhérer les populations aux changements.
Dans ton esprit, les monnaies numériques ont donc une place essentielle pour transformer notre économie. Que penses-tu de l’adoption du Bitcoin au Salvador ?
E.B. : Bitcoin ne sera jamais la monnaie mondiale mais c’est une proof of concept monétaire. Car ce n’est pas une banque centrale, pas un gouvernement, qui l’émet. Pourtant, Bitcoin vaut quand même 20 000 dollars !
Au Salvador, je pense que cela a été clairement positif. La population du pays est devenue économiquement active. Le wallet Chivo permet d’éduquer les gens et de les former au jour le jour à l’économie numérique. Les Salvadoriens ont même développé une petite ferme de minage à partir de l’énergie des volcans
🏆 L’adoption du Bitcoin au Salvador est donc un événement historique : personne ne contrôle la monnaie, elle n’est manipulée par personne. Cela permet au pays de gagner son indépendance par rapport au dollar. Comme le disait John Connally, l’ancien secrétaire au Trésor américain de l’administration Nixon, en 1971, « le dollar est notre monnaie, mais votre problème ».
Cependant le Salvador n’a pas eu de chance puisque le Bitcoin a perdu deux tiers de sa valeur depuis novembre 2021.
Plus généralement, la technologie est-elle une force motrice pour changer l’Histoire ? Faut-il s’émanciper des politiques ?
E.B. : Pour Jean-Marc Jancovici, la sphère politique ne va jamais aller vers l’innovation d’elle-même, elle va toujours regarder les rapports de force et ce qui intéresse le plus la population. Les technologies sont extrêmement importantes car elles permettent de surmonter les défis de l’humanité. Peu à peu, je pense qu’on va utiliser les monnaies numériques à partir de registres distribués et les États vont se les approprier.
Aujourd’hui, le marché des cryptos est un marché totalement dérégulé et décentralisé, ce qui permet de faire émerger des initiatives sans le carcan du cadre légal 👨🏻⚖️ et des diverses tentatives de manipulation et de domination des États et de leurs alliés, les industries en place, notamment la finance.
❌ 90 % des initiatives sont soit des échecs, soit des arnaques. ✅ Mais dans les 10 % qui restent, c’est un vivier pour faire changer les choses pour faire évoluer la société vers plus de justice, de transparence, d’éco-responsabilité. Ce ne sera surement par les gouvernements qui le feront. La charge incombe aux innovateurs ; c’est à eux de trouver des business modèles de plus en plus intéressants, et c’est comme cela que l’on intéresse les gouvernements comme ce fut le cas par exemple dans le domaine des paiements il y a un demi-siècle avec la carte à puce 💳.
C’est donc la société qui modifie les gouvernements ?
Oui, complétement. Les gouvernements suivent car ils sont lents et extrêmement prudents. Ils vont donc aller dans le sens du vent.
Mais le vent, c’est aux innovateurs de le créer. À un moment, “le faire” est extrêmement important. De mon côté, je vais voir les magasins pour leur demander s’ils seraient prêts à développer un programme de fidélité à partir d’un token. L’accueil est parfois chaleureux, et parfois plus réservé. Mais peu importe, c’est comme cela que les choses avancent.
👉🏻 Vous pouvez retrouver ci-après mes derniers entretiens avec :
Romain Saguy de Coinhouse sur la consommation énergétique du Bitcoin et The Merge Ethereum
Guillaume Derrien de BNP Paribas sur la situation économique mondiale
Pierre-Yves Dittlot de Ledgity sur les investissements dans les actifs numériques
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À très vite,
Amaury
À travers des activités suivantes : la mobilité urbaine, la consommation de boissons et de nourriture, la gestion des déchets, la consommation énergétique, entre autres.