đȘ Un ouragan Ă©conomique mondial ?
đ Interview avec Guillaume Derrien, Ă©conomiste Europe chez BNP
âš Bonjour Ă tous,
Inflation, rĂ©cession, stagflation sont autant de mots anxiogĂšnes qui reviennent de plus en plus souvent au top de lâactualitĂ© Ă©conomique ces derniĂšres semaines.
DĂ©sormais, de grands noms de la finance đł sâinquiĂštent dâune nouvelle crise Ă©conomique et financiĂšre de lâampleur de celle de 2008 suite Ă la faillite de banque dâaffaires amĂ©ricaine đșđž Lehman Brothers, alors que dâautres se montrent a contrario plus optimistes sur lâĂ©volution de lâenvironnement macro-Ă©conomique.
Pour sây retrouver, jâai interrogĂ© Guillaume Derrien, Ă©conomiste Europe đȘđș chez BNP, qui nous livre son diagnostic. Je prĂ©cise que ces propos reflĂštent lâavis de lâauteur et non de lâinstitution dans laquelle il travaille.
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Ces derniĂšres semaines, de grandes personnalitĂ©s comme Elon Musk et Jamie Dimon, ont averti sur la possibilitĂ© dâun « ouragan Ă©conomique mondial ». Quâen penses-tu ? Les craintes sont-elles justifiĂ©es ou exagĂ©rĂ©es ?
Guillaume Derrien : Ouragan ! Le terme me semble un peu fort, mais câest vrai que les risques pesant sur la croissance mondiale sont importants aujourdâhui. Inflation forte et persistante, conflit en Ukraine đșđŠ, confinement en Chine đšđł et ses rĂ©percussions sur la logistique mondiale, sont autant de risques qui, mis bout Ă bout, affectent sĂ©rieusement lâactivitĂ© mondiale. Pour autant, Ă ce stade, parler dâun ouragan, ou dâune grande rĂ©cession mondiale, me semble un peu trop alarmiste, surtout si on se concentre sur les Ă©conomies occidentales.
Le marchĂ© du travail aux Ătats-Unis đșđž, Allemagne đ©đȘ, France đ«đ·, et mĂȘme au Royaume-Uni đŹđ§, reste solide et les gouvernements prennent des mesures pour amortir le choc inflationniste. Il est possible quâau cours des prochains trimestres, certaines Ă©conomies connaissent de courtes pĂ©riodes de rĂ©cession. Mais une crise similaire Ă ce quâon a connu en 2008 ne me semble pas ĂȘtre le scĂ©nario le plus probable Ă lâheure actuelle.
Quels sont les dangers économiques les plus importants qui se posent ?
G.D. : Dans les pays dĂ©veloppĂ©s, la remontĂ©e des taux dâintĂ©rĂȘt đ, bien entendu, qui risque dâasphyxier certains pans de lâĂ©conomie oĂč lâendettement a jouĂ© un rĂŽle moteur de croissance. Je pense notamment aux crĂ©dits Ă la consommation ou Ă lâendettement des entreprises, qui sâest fortement accru durant la crise sanitaire.
Cependant, ce seront une nouvelle fois les économies émergentes qui souffriront le plus, avec des risques de pénuries alimentaires importantes et un systÚme bancaire et financier moins robustes que ceux des pays industrialisés.
En zone euro, les inquiĂ©tudes sont de retour. Depuis quelques semaines, les taux souverains remontent đ et divergent fortement entre pays de lâunion monĂ©taire. Comment lâexpliquer ?
G.D. : La remontĂ©e des taux est dâabord une rĂ©ponse mĂ©canique des investisseurs face Ă la hausse de lâinflation en zone euro, qui rĂ©duit lâattractivitĂ© des classes dâactifs comme les obligations dâĂtat, Ă revenu fixe. Cela contribue Ă une baisse des prix et une hausse des taux, les deux agissant en sens opposĂ©. La remontĂ©e plus importante des taux dâintĂ©rĂȘt pour les pays dits « pĂ©riphĂ©riques » de la zone euro rĂ©sulte dâune crainte plus prononcĂ©e quant Ă la rĂ©sistance de ces pays, oĂč lâendettement public est consĂ©quent, surtout en GrĂšce đŹđ· et en Italie đźđč, et les fondamentaux Ă©conomiques perçus comme moins bons que les autres pays de la zone euro.
LâItalie est dans le collimateur. Penses-tu que sa solvabilitĂ© puisse ĂȘtre mise en jeu ? Â
G.D. : Depuis la crise europĂ©enne en zone euro de 2011, lâendettement public en Italie sâest en effet alourdi, particuliĂšrement durant la crise sanitaire đŠ , et se situe aujourdâhui autour de 150% du PIB. Avec la remontĂ©e des taux obligataires, le coĂ»t du remboursement de la dette pour le pays risque dâaugmenter significativement surtout que les besoins de financement de lâĂtat italien sont consĂ©quents.
NĂ©anmoins, une crise de solvabilitĂ© semble peu envisageable Ă ce stade. Les mĂ©canismes de soutien europĂ©en, aussi bien monĂ©taire que budgĂ©taire, se sont trĂšs largement renforcĂ©s depuis 10 ans, et la Banque centrale europĂ©enne a rappelĂ©, lors de son meeting du 15 juin quâelle travaillait sur de nouveaux mĂ©canismes anti-fragmentation qui devraient Ă court et moyen terme rĂ©duire la nervositĂ© des marchĂ©s. Â
Faut-il redouter un krach obligataire en Europe ?
G.D. : Cette question rejoint la prĂ©cĂ©dente et jâajouterais ici que le degrĂ© de risque dĂ©pendra du niveau et de la persistance de lâinflation au cours des prochains mois et mĂȘme des prochaines annĂ©es. Si lâinflation continue dâosciller Ă des niveaux trĂšs Ă©levĂ©s, au-dessus de 4-5%, ce qui nâest pas impossible si les tensions liĂ©es au conflit en Ukraine ou les difficultĂ©s dâapprovisionnement persistent, cela crĂ©era dâautant plus de tensions â ïž sur les taux obligataires. CouplĂ© Ă un contexte de faible croissance en zone euro, cela amplifierait les difficultĂ©s sur la solvabilitĂ© de certains Ătats. Cependant, ce nâest pas Ă lâheure actuelle le scĂ©nario le plus probable.   Â
Si lâon se veut optimiste, la normalisation monĂ©taire en Europe et aux US nâest-elle pas une bonne chose ? Un moyen dâassainir les excĂšs passĂ©s ?
G.D. : En effet, ces annĂ©es de politiques non conventionnelles constituent une pĂ©riode dâexception et une normalisation progressive des politiques monĂ©taires est souhaitable â . Le chemin vers cette normalisation, lui ne sera pas simple, lâapport de liquiditĂ©s đ”đ¶đŽ ayant Ă©tĂ© consĂ©quent dans certains secteurs financiers, et son retrait sera par consĂ©quent difficile. La correction actuelle des marchĂ©s financiers pourrait aussi impacter lâĂ©conomie rĂ©elle. Les autoritĂ©s monĂ©taires ont donc un arbitrage difficile, mais nĂ©cessaire Ă mener.
đđ» Vous pouvez retrouver ci-aprĂšs mes derniers entretiens avec :
Pierre-Yves Dittlot de Ledgity sur les investissements dans les actifs numériques ;
Victor Demonchaux dâAmbrosia sur la finance dĂ©centralisĂ©e ;
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Amaury