🔵 L'IA dans l'architecture / Chaos à Wall Street et désordre mondial
#7. Bulletin d’avril 2025
Bonjour à tous,
C’est parti pour le bulletin mensuel de Lettres Ouvertes !
Avant d’entrer dans le vif du sujet, quelques mots pour vous dire que ma newsletter poursuit sa fabuleuse progression ces dernières semaines avec 85 nouveaux abonnés et une explosion du nombre de vues.
Mon édition spéciale publiée le dimanche 6 avril sur les conséquences du Liberation Day est celle qui a le mieux marché depuis le début de mon aventure ici. Par ailleurs, Lettres Ouvertes a fêté le 21 avril son quatrième anniversaire 🎂. En 4 ans, ma newsletter a bien grandi et je ne compte pas m’arrêter là.
Concernant l’édition du jour, j’ai décidé de commencer à regarder les implications de l’IA dans les secteurs économiques car j’entends encore dire que l’IA n’est pas une révolution et, qu’en définitive, elle ne changera pas grand-chose. Être concret permet de mieux en apprécier la portée. Pour cette grande première, je vais parler de l’IA dans l’architecture en me basant sur le Lake Bled project développé par le Tim Fu Studio.
La deuxième partie du bulletin sera consacrée aux nouveaux développements à la suite du Liberation Day, le jour de l’annonce des taxes douanières par Donald Trump, qui a semé le chaos à Wall Street, entrainé un krach boursier dans les principales places financières de la planète et plongé les investisseurs dans l’incertitude la plus totale. Ce jour du 2 avril va sans nul doute laisser des traces profondes dans les rapports entre les États-Unis et le reste du monde.
Dans les trois autres parties, je parlerai d’Ethereum, de Nivida, de Tesla et d’OpenAI. Cette dernière a encore été l’entreprise du mois avec un nouveau buzz phénoménal en avril.
Vous l’aurez compris ce mois d’avril aura été inhabituel et mouvementé à plus d’un titre. Accrochez vos ceintures, c’est parti pour une dizaine de minutes de lecture !
Le programme du bulletin d’avril :
🔎 Ma sélection du mois sur un projet d’architecture propulsé par l’IA : la technologie permet de décupler la créativité humaine ;
✴️ Chaos à Wall Street : les marchés financiers américains évoluent en montagnes russes au gré des décisions de Donald Trump. Dans le même temps, le dollar perd de sa valeur et la guerre commerciale contre la Chine s’intensifie ;
⬇️ Le flop crypto : Ethereum décroche par rapport au Bitcoin et semble perdre de son attrait dans la communauté crypto. Pourquoi donc ? Je vous explique tout.
🗳️ Le résultat du sondage du bulletin de mars : Tesla en danger ? Les avis des abonnés de Lettres Ouvertes sont partagés ;
🎁 La rubrique bonus : OpenAI lance un nouveau générateur d’images et explose son nombre d’abonnés, la saison 7 de Black Mirror, GameStop veut acheter du Bitcoin, Nvidia veut investir aux USA et Elon Musk va bientôt quitter l’administration Trump !
Le projet de Tim Fu : l’IA dans un projet architectural
Comme expliqué en introduction, je souhaite me pencher sur les implications concrètes de l’IA dans les secteurs économiques. Je commence aujourd’hui avec l’architecture. Je pense continuer avec la banque/finance, la distribution et l’agriculture dans les prochaines éditions.
Pourquoi avoir choisi ce secteur aujourd’hui ?
D’une part, je suis un grand fan d’architecture. Je passe beaucoup de temps à contempler des façades et des intérieurs. Petit, je passais mon temps à dessiner des monuments (une activité que je reprends aujourd’hui) et à construire de volumineux édifices en lego 🧱. D’autre part, je montre ici que l’IA peut servir dans des métiers créatifs.
Il est vrai que, pour beaucoup de gens, l’IA reste encore limitée aux métiers d’analyse, tels que les professions juridiques, la fonction publique, la finance, la banque et la santé par exemple. Or, ce n’est plus le cas désormais. ChatGPT a montré que l’IA pouvait aussi créer, à partir des données (humaines) qu’elle a collectées.
C’est ainsi qu’au fil de mes recherches, je suis tombé sur le projet “Lake Bled Estate” développé par le Studio Tim Fu, du nom d’un ancien architecte de Zaha Hadid Architects (un cabinet d’architecture futuriste à l’origine de l’aéroport de Pékin et du MAXXI à Rome). L’intéressé a été commissionné pour faire sortir de terre 6 villas et remettre au goût du jour la villa Epos érigée en 1909, autour du lac de Bled en Slovénie. Particularité du projet : les architectes à l’origine du projet ont utilisé l’intelligence artificielle.

Très concrètement, Tim Fu et ses acolytes ont fourni à un modèle d’IA (le modèle en question n’a pas été dévoilé) une multitude de photos de styles architecturaux locaux traditionnels présents autour du site. Ils ont ensuite demandé à ce modèle de générer des idées pour les “réinterpréter et les réimaginer” par l’ajout de caractéristiques plus modernes.
Un élément très important concernait la réinterprétation des rizalits en bois slovènes (les avant-corps - ou sorte de véranda - souvent en forme de demi pavillon) en atrium verticaux modernes.
L’apport de l’IA a permis de réduire le temps de conception des visuels (cf. photo précédente) des villas. En temps normal, un cabinet d’architecture doit faire appel à un studio 3D pour mener à bien cette étape, ce qui peut prendre deux à trois semaines, selon l’architecte. Avec l’IA, la production a été faite en une seule journée !
Par ailleurs, Tim Fu a expliqué 📢 comment il comptait tirer parti de l’IA dans son travail. Pour lui, innovation et tradition doivent fusionner et non s’opposer. La créativité humaine doit être mélangée avec l’intelligence des machines.
“L’IA n’introduit pas spécifiquement un nouveau langage de conception, mais elle nous permet de faciliter la production de nos propres idées complexes.
L’avenir de l’architecture ne consiste pas à résister à l’IA, mais à collaborer avec elle (…) L’IA est une force de disruption puissante dans l’industrie créative.
Il est de notre responsabilité de veiller à ce que nos constructions continuent de refléter les richesses de l’histoire, des émotions et de l’imagination humaines à une époque de plus en plus façonnée par les machines”.
👉🏻 Pour résumer : l’IA marque une étape décisive dans la redéfinition des pratiques de conception architecturale. De tels projets pourraient bien se multiplier à l’avenir.
> Pour aller plus loin : la vidéo explicative du projet par le Tim Fu Studio.
Chaos à Wall Street, investisseurs déboussolés
Le 9 avril, après deux séances de forte baisse, le Nasdaq s’envole de 12,16% et le S&P 500 de 9,52%, soit une hausse de 4 200 milliards de capitalisation boursière en une seule séance pour l’indice phare américain.
Donald Trump salue “la meilleure journée en Bourse de l’Histoire”. Mais l’envolée ne compense pas les nombreuses séances de perte des dernières semaines qui ont même culminé avec un krach boursier les 3 et 4 avril. Depuis son investiture le 20 janvier jusqu’à aujourd’hui, le Nasdaq reste dans le rouge vif, avec un décrochage de 12%. Les autres indices américains (Dow Jones et S&P 500) sont aussi en net repli.

Par ailleurs, l’embellie dont Donald Trump s’attribue les mérites n’est que le résultat de sa propre volte-face. Le 9 avril, il vient de décréter une pause ⏸️ de 90 jours pour tous les pays concernés par les tarifs qu’il a mis en place lors du Liberation Day une semaine plus tôt. Il précise qu’un taux plancher de 10% s’appliquera tout de même pendant la période de trêve.
Peu après, il décide d’accorder des exemptions temporaires de surtaxes sur les smartphones, ordinateurs et semi-conducteurs, devant l’effondrement boursier d’Apple et de Nvidia, dont les centres de production se trouvent en Chine et à Taiwan.
En revanche, la Chine, le seul pays à avoir riposté à Trump, n’est pas concernée par la pause tarifaire. Bien au contraire. Tout au long du mois, les tensions commerciales vont monter crescendo entre les deux géants de l’économie mondiale.
Représailles après représailles, les États-Unis imposent aujourd’hui des droits de douane moyens de 145% sur toutes les importations chinoises. De son côté, la Chine applique un taux de 125% sur les exportations américaines. Certains analystes considèrent qu’il s’agit d’une situation “d’embargo commercial”.
Pékin ne s’est pas arrêté là avec la mise en place de restrictions d’exportations sur les terres rares dont sont très dépendants les Américains pour plusieurs activités critiques de l’électronique, en passant par les véhicules électriques et la défense.
Pourquoi le président américain a-t-il changé d’avis après avoir dit que les tarifs du 2 avril seraient permanents ? Pour trois raisons.
Primo, les rendements des obligations souveraines américaines ont enregistré une forte hausse à la suite du Libération Day. Les investisseurs, ou certains d’entre eux tels que des hedge funds, ont vendu des actifs américains. Or, tout ce que veut Trump, c’est une baisse des taux, surtout pas une hausse !
Deuxio, la pression des milieux d’affaires monte. Bill Ackman, un gestionnaire de fonds pro-Trump, a adressé une critique cinglante aux tarifs “disproportionnés” mis en place par celui qu’il a soutenu pendant la campagne présidentielle.
“Le président est en train de perdre la confiance des chefs d’entreprise du monde entier. Les conséquences pour notre pays et les millions de citoyens qui l’ont soutenu - en particulier les consommateurs à faibles revenus déjà soumis à une forte pression économique - seront extrêmement négatives. Ce n’est pas ce pour quoi nous avons voté !”
Jamie Dimon, le très respecté patron de JP Morgan, la plus grande banque du monde, est également monté au créneau contre les tarifs, soulignant qu’ils pourraient affaiblir les alliances économiques et miliaires des États-Unis.
“L’Amérique d’abord, c’est bien, tant que cela ne se termine pas par l’Amérique seule”.
Tertio, des patrons de grands distributeurs américains tels que Walmart et Target auraient averti le président américain que les rayons des magasins à travers les États-Unis pourraient bientôt être “vides”, dressant par la même occasion un paysage économique désastreux à venir dans les prochaines semaines.

Quels enseignements est-il possible de tirer de l’agitation des dernières semaines ? Pour ma part, j’en vois au moins cinq.
Donald Trump semble mettre de l’eau dans son vin. Même s’il est difficile (voire impossible) de savoir ce qu’il a en tête, il pourrait bien commencer à ressentir la pression des milieux d’affaires et surtout de l’opinion publique (les sondages sur son action se dégradent fortement alors qu’il fête aujourd’hui les 100 jours de son deuxième mandat). Il y aurait aussi de très fortes dissensions au sein de son administration entre la ligne protectionniste dure défendue par Peter Navarro (son conseiller au commerce traité “d’imbécile” par Elon Musk) et Scott Bessent, son Secrétaire au Trésor, favorable à une approche plus modérée.
Les tarifs pourraient causer d’importantes perturbations dans les chaines d’approvisionnement de nombreuses entreprises américaines et d’entreprises d'autres nationalités (suivant leur exposition au marché américain).
Un désamour 💔 grandissant des investisseurs pour l’Amérique. La hausse des rendements obligataires américains et la baisse du dollar, deux mouvements considérés comme inhabituels (en général quand le dollar baisse, les taux baissent en parallèle), prouvent que les investisseurs pourraient se délester des actifs américains qu’ils détiennent. Au final, le “privilège exorbitant” du dollar (= l’épargne des autres pays finance la dette américaine) pourrait être menacé et amorcer la fin de l’exceptionnalisme américain en Bourse.
La Maison-Blanche a, semble-t-il, largement sous-estimé la capacité de la Chine à riposter. Intransigeant, Pékin a même déclaré vouloir “mener le combat jusqu’au bout”. Il faut dire que la Chine dispose de moyens de pression conséquents contre son rival. Du reste, Donald Trump semble désormais vouloir jouer la carte de l’apaisement. Le président américain a indiqué la semaine dernière que les droits de douane imposés à la Chine “vont baisser substantiellement, mais qu’ils ne seront pas à zéro”. Pendant sa campagne présidentielle, il a évoqué un taux de 60% !
L’appel de Trump à investir aux États-Unis semble malgré tout avoir été entendu par certains. Apple, Nvidia (cf. rubrique bonus), Honda, TSMC ou encore Novartis ont fait des annonces en ce sens. En France, Bernard Arnault, le patron de LVMH, a indiqué qu’il considérait augmenter sa production sur le sol américain (le groupe étant déjà présent dans le pays), tout en s’en prenant à la bureaucratie européenne, ce qui a suscité une vive polémique.
Rien ne va plus pour Ethereum
D’un oligopole, le marché crypto ressemble de plus en plus à un monopole. Ces dernières semaines, la trajectoire des deux premières cryptos mondiales en valorisation de marché a divergé.
Si le Bitcoin résiste bien dans un contexte difficile pour les actifs risqués avec une légère hausse de son cours depuis le début de l’année, Ethereum est en grande difficulté avec un décrochage important d’environ 46%.
Le flippening index, le moment hypothétique où Ethereum dépasserait bitcoin, est à son plus bas en 5 ans ; la capitalisation boursière de la première ne représentant que 11,5% de la seconde.
Trois grandes raisons expliquent la perte de l’attrait des investisseurs pour Ethereum. Tout d’abord, il y a une perte d’enthousiasme concernant la finance décentralisée via les DApps jugés trop complexes et moins compréhensibles que le narratif autour du Bitcoin en tant que réserve de valeur numérique.
Ensuite, l’engouement récent pour les memecoins (des tokens sans utilité particulière à part le fun, le buzz et la communauté) a beaucoup occupé les traders crypto ces derniers mois. La blockchain qui les supporte est souvent Solana, un concurrent d’Ethereum moins cher et plus rapide.
Enfin, Ethereum fait face à des problèmes de gouvernance importants, avec des divergences entre les développeurs sur le projet et la direction à prendre.
Le résultat du sondage sur Tesla
Le mois dernier, j’ai consacré la première partie de mon bulletin au cas de Tesla. Comme vous le savez, l’image de la marque semble fortement pâtir des frasques d’Elon Musk, son patron. Les ventes ont d’ailleurs fortement baissé en Europe et en Californie, un marché important pour Tesla.
Sur la trentaine de votants à la question “Elon Musk peut-il faire couler Tesla ?”, 50% ont répondu qu’il s’agissait de difficultés passagères et 46% des abonnés considèrent qu’Elon Musk pourrait faire couler son entreprise.
La rubrique Bonus !
Fin mars, OpenAI a lancé son nouveau générateur d’images qui a succédé à DALL-E. Le buzz a été incroyable sur la Toile. Nous avons été très nombreux à transformer nos photos préférées en format Ghibli. Le succès a été tel que ChatGPT aurait doublé son nombre d’utilisateurs de 400 à 800 millions de personnes, soit “10% des habitants de la planète”, comme l’a souligné Sam Altman, le patron d’OpenAI ;
Le 10 avril, la saison 7 de Black Mirror est sortie sur Netflix. Elle renoue avec l’essence même de la série qui se concentre sur les dérives technologiques et leurs impacts sur les humains. Pour autant, les avis des spectateurs sont partagés. Certains saluent ce retour aux sources. D’autres trouvent que l’ensemble manque de créativité. Pour ma part, j’ai plutôt apprécié, surtout l’épisode Eulogy, très émouvant, et Hotel Reverie. Il est beaucoup question d’interface neurale qui connecte notre cerveau à une autre dimension !
Réponse à la politique hyper protectionniste de Trump ou pas, Nvida a annoncé un vaste plan d’investissement sur 4 ans de 500 milliards de dollars aux États-Unis. Comme j’ai pu l’expliquer à mes abonnés via cette note sur Substack, TOUTES les puces commercialisées par l’entreprise sont fabriqués à Taiwan. L’idée est de les produire directement sur le sol américain ;
À l’image de Strategy (anciennement MicroStrategy), l’éditeur de jeux vidéo GameStop a annoncé vouloir acheter du Bitcoin pour en faire un actif de réserve de trésorerie. Petit problème : cet achat doit être financé par l’émission de dette, ce qui n’a pas trop plu aux investisseurs. Dès le lendemain de l’annonce, le cours de l’entreprise a baissé de 15% !
Au premier trimestre 2025, Tesla a enregistré une baisse de son bénéfice de 71%. En réponse à ces mauvais résultats, Elon Musk a annoncé qu’il allait réduire son implication dans l’administration Trump dès mai 2025 et allouer moins de temps au DOGE (le Département de l’Efficacité gouvernementale) pour se concentrer sur son entreprise en difficulté. J’avais évoqué cette possibilité dans mon dernier bulletin mensuel :
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À très vite,
Amaury
Toujours très intéressant