
Bonsoir à tous,
Je suis très heureux de vous retrouver pour une édition spéciale. Il faut dire que nous venons de vivre une semaine très mouvementée avec un plongeon des indices boursiers, amplifié par la chute de la Big Tech américaine. Dans le chaos ambiant, il semble qu’un nouveau monde se dessine. J’en ai beaucoup parlé avec mes amis de tous bords politiques ces derniers jours. Je fais le point ici. Accrochez-vous bien.
Le contexte
Lundi 20 janvier, Donald Trump est investi 47ème président des États-Unis. Les patrons de la big tech sont aux premières loges. Les investisseurs sont euphoriques. Ils pensent que les marchés boursiers vont s’envoler comme jamais auparavant. Mais leurs espoirs vont rapidement être déçus.

À peine revenu au pouvoir, Donald Trump montre qu’il ne plaisante pas, qu’il entend vraiment changer les règles du jeu du commerce international, comme il l’a promis durant sa campagne. Il n’y aura pas de demi-mesure cette fois-ci, peu importe les mouvements de la Bourse, le baromètre de son action lors de son premier mandat.
Il s’en prend d’abord au Mexique et au Canada, puis à plusieurs secteurs économiques dont l’automobile. Les cours de nombreuses actions commencent à fléchir.
Ce n’est que le début …
Le coup de Trafalgar
Mardi 2 avril, Donald Trump s’avance dans la roseraie de la Maison-Blanche. Il va prendre la parole devant un parterre d’ouvriers, de travailleurs et de fidèles. C’est son Grand Jour, le jour qu’il a dénommé “Liberation Day” où il va annoncer les tarifs réciproques, le Jour où l’Amérique est censée reprendre son indépendance économique.
L’ex et nouveau locataire de la Maison-Blanche ne fait pas dans la dentelle. Il annonce des droits de douane faramineux, des niveaux de taxation inédits depuis des décennies qui changeront, à coup sûr, le cours de l’histoire.
Selon le pays, le taux appliqué varie entre 10% et 49%. Les pays asiatiques sont les plus touchés. Au total, ces mesures portent le taux moyen des droits de douane américains à 22%, un niveau sans précédent depuis 1909, selon Goldman Sachs !
Frappée à hauteur de 34%, la Chine réplique dès le lendemain dans des proportions similaires sur toutes les exportations américaines.
Pour justifier sa politique, Donald Trump brandit un panneau sorti de nulle part. Dans la colonne de gauche intitulée “Tariffs Charged to the U.S.A.” se trouve les taux qu’appliquent 57 pays visés par Trump sur les exportations américaines. Ces pays sont également ceux qui ont un excédent commercial important avec les États-Unis.
Problème : les chiffres indiqués ne correspondent pas du tout aux droits de douanes réellement subis par les États-Unis. Ils sont le résultat d’une formule douteuse et simpliste (cf. juste après) appliquée par l’administration américaine et, dit-on, directement générée par ChatGPT !
Taux payé par les USA = (déficit commercial bilatéral / importations) X 100.
Pour prouver qu’il est plutôt “kind” ou sympa, Donald Trump divise ensuite le chiffre obtenu par deux. Le résultat obtenu est indiqué dans la colonne de droite "U.S.A. Discounted Reciprocal Tariff”. Dans son esprit, il accorde même un “discount”, un rabais aux pays visés. C’est de cette manière qu’il obtient le taux individualisé pour chaque pays. Magique !
Même si la scène peut sembler absurde, elle est pourtant bien le reflet d’un changement de paradigme à 180 degrés de la politique commerciale américaine. Après le libre-échange, le temps du protectionniste est (re)venu.
La fin de la mondialisation
Inspiré par William McKinley (un président américain connu pour le Tariff Act en 1890 et mort assassiné en 1901 au début de son second mandat), Donald Trump se veut un pourfendeur acharné de la mondialisation depuis ses débuts en politique.
Selon lui, le libre-échange débridé aurait occasionné des pertes d’emplois massives, le creusement du déficit commercial américain et surtout accentué gravement les inégalités, en particulier dans les régions industrielles dévastées par la compétition internationale.
Un cas est particulièrement révélateur. Il s’agit de la ceinture de rouille (Rust Belt en anglais), le surnom d’une région des États-Unis située dans le Nord-est du pays qui a connu un déclin industriel important à partir des années 1970-1980.
Né à Middletown dans l’Ohio, en plein cœur de la Rust Belt, J.D. Vance, le vice-président américain, a écrit en 2016 dans son livre Hillbilly Elegy comment sa famille avait été affectée par ces transformations économiques. Adapté de son œuvre, le film Netflix Une ode américaine retrace son histoire chaotique.
Il n’est pas inutile de rappeler que Donald Trump a remporté tous les États de la Rust Belt (Michigan, Pennsylvanie, Wisconsin et Ohio) lors de la dernière élection, ce qui a largement contribué à sa victoire.
De mon côté, j’avoue avoir ressenti un gros malaise en visionnant l’excellente série Silicon Fucking Valley. Dans un des épisodes, le spectateur peut voir des infirmières dormir dans des caravanes à quelques kilomètres des quartiers généraux des géants de la tech.
Pour Trump, la grandeur de l’Amérique, qu’il considère disparue, passe par le retour sur le sol national des usines délocalisées par les entreprises américaines. Quant aux investisseurs étrangers, ils sont appelés à investir directement aux États-Unis s’ils veulent accéder au marché américain.
Le processus ne se fera pas sans peine, au moins à court terme. Trump l’a d’ailleurs lui-même reconnu. La prémonition va vite devenir réalité.
Le carnage sur les marchés financiers
Les 3 et 4 avril, les grandes places financières dévissent. Les investisseurs sont stupéfaits par l’ampleur et la brutalité de l’offensive que vient de lancer Trump.
Le S&P 500 baisse de 5% jeudi puis de 6% vendredi, l’une de ses pires séances des 25 dernières années avec un décrochage encore plus important que lors du Dot-com crash ou à la suite des attentats du 11 Septembre 2001 contre le World Trade Center et le Pentagone. En deux jours, 5 000 milliards de capitalisation boursière partent en fumée. Un carnage.
Pour de nombreux analystes, les mesures protectionnistes annoncées le 2 avril vont engendrer une baisse de la croissance américaine voire une possible récession (à cause de la chute anticipée des bénéfices des entreprises) et un fort rebond de l’inflation (ça coûte plus cher de produire localement).
En langage d’économiste, il est question de stagflation.
Fortement exposés au commerce international, les géants américains de la technologie, les Magnificient Seven, qui semblaient tout-puissants au moment de l’investiture de Trump, subissent un violent décrochage, et surtout trois d’entre eux. Ayant acquis un poids financier très important ces dernières années, leur chute amplifie celle des indices américains.
L’entreprise la plus sévèrement touchée de ce club est Apple, la plus grande capitalisation boursière mondiale. Le cours de l’action perd 9,2% jeudi et 7,3% vendredi. Les taxes douanières de Trump remettent totalement en question son modèle économique puisque les iPhone, iPad et MacBook sont fabriqués en grande partie dans des usines en Chine et en Asie.
C’est le cas aussi pour Nvidia qui plonge quasiment dans les mêmes proportions. La fabrication de ses fameuses puces essentielles pour l’intelligence artificielle est sous-traitée à des fonderies comme TSMC basée à Taïwan, pays également lourdement pénalisé par les tarifs réciproques. Depuis le début de l’année, le cours de l’action Nvidia a baissé de plus de 30% !
Après avoir limité la casse jeudi 3 avril, Tesla connait aussi une séance catastrophique vendredi 4 avril, avec un décrochage de 10,4%. L’entreprise génère plus de 21,4% de son chiffre d’affaires en Chine.
Les milliardaires perdent gros
Bien entendu, la baisse des actions des Sept Magnifiques n’épargne pas les milliardaires à la tête de ces entreprises qui ont assisté à la cérémonie d’investiture du nouveau président. Alors qu’ils s’étaient beaucoup enrichis lors du mandat de Joe Biden, leur fortune ne cesse de fondre comme neige au soleil depuis le retour au pouvoir de Trump.
Depuis le début de l’année Elon Musk a perdu 130 milliards de dollars. Il paie cher son engagement politique controversé. De leur côté, Jeff Bezos a vu son patrimoine se réduire de 45,2 milliards et Mark Zuckerberg de 28,1 milliards.
Malgré les turbulences financières et les craintes des investisseurs, Donald Trump ne semble pas prêt à faire marche arrière et reste convaincu du bien-fondé de son approche.
“Mes politiques ne changeront jamais. C’est le moment idéal pour s’enrichir, encore plus qu’avant” a-t-il expliqué.
Sûr de lui, il a même participé à un tournoi de golf jeudi !

Donald Trump joue-t-il avec le feu ? Le krach va-t-il s’intensifier dès lundi ? Son pari aussi audacieux que dangereux peut-il fonctionner ? Faut-il s’attendre à de nouveaux rebondissements ? Quelles seront les conséquences économiques à plus long terme si le changement de paradigme se confirme ?
Wait and see.
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À très vite,
Amaury
Très intéressant cet article et effectivement c’est vraiment fou tout ce qu’il se passe ! À noter que ça devrait s’arranger pour Nvidia si le partenariat Intel/TSMC se concrétise… on ne peut pas prédire l’avenir mais il y a fort à parier que les valeurs des Big Tech vont se corriger… ce qui est paradoxal c’est le protectionnisme extrême sur les biens mené en parallèle d’une politique néocolonialiste portée par les géants de la tech.
Merci d'avoir abordé ce sujet ! Comment vois-tu la situation économique mondiale à moyen terme ? Vas-tu écrire quelque chose à ce sujet ?