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🌞 Bonjour à tous,
Je suis très heureux de vous retrouver pour une nouvelle édition. La semaine dernière, j’ai proposé un premier format focus, un éclairage sur l’actualité. Aujourd’hui, je propose un format décryptage 👉🏻 une analyse approfondie sur une problématique précise.
Note : la première version de ce post a été originellement publiée sur LinkedIn mais j’ai décidé de la partager ici, avec l’ajout de quelques éléments supplémentaires pour prolonger les discussions.
Pour cette édition 🔥 : je me suis basé sur un essai polémique intitulé Why AI will save the world (Pourquoi l'IA sauvera le monde ?) écrit récemment par Marc Andreessen, un investisseur américain célèbre, fondateur du fonds en capital risque éponyme Andreesseen-Horowitz.
Quelle est l'idée défendue par M. Andreessen dans son essai ?
Dans son essai, Marc Andreessen explique que l'IA n'est pas du tout une menace pour l'humanité. Bien au contraire, elle pourrait permettre de la sauver à travers des assistants en tout genre.
🤑 Bon il vrai que nous parlons aussi du fondateur d'un fonds de capital risque connu aussi sous le numéronyme "a16z", qui investit dans les startups technologiques à fort potentiel de croissance, en particulier dans les domaines suivants : l'IA (vous l'aurez compris) mais aussi la blockchain et les cryptos (cf. infra).
C'est ainsi que M. Andreessen a tout intérêt à promouvoir le secteur dans lequel il place son argent, surtout après les déconvenues subies par les "boîtes" de cryptos ces dernières années.
Avec l'IA, il aurait ainsi trouvé une nouvelle "poule aux oeufs 🥚 d'or" : plus les entreprises du secteur attirent de capitaux, plus leurs valorisations montent en flèche et plus les gains attendus sont élevés !
Dans son essai qui ressemble à une déclaration d'amour 😍, il écrit en ce sens :
"AI is quite possible the most important and best thing our civilization has ever created, certainly on par with electricity and microchips and probably beyond those".
Traduction 🇫🇷 : “L'IA est probablement la chose la plus importante et la meilleure que notre civilisation n’ait jamais créée, certainement à égalité avec l'électricité et les puces électroniques et probablement au-delà de celles-ci".
Pour défendre son idée, l'auteur balaie les principaux risques identifiés par les pourfendeurs de l'IA, pour mieux les relativiser, les critiquer voire les moquer 🤨. Du coup, je me suis dit qu'il pourrait être intéressant de les passer en revue. Dans certains cas, je le rejoins dans son argumentation et pas dans d'autres.
Risque n°1 : l'IA va littéralement tuer l'humanité !
Pour Andreessen, c'est un culte qui remonte à très loin. Même les Grecs exprimaient cette crainte vis-à-vis des nouvelles techniques. Il n'y a qu'à se référer au mythe de Prométhée !
Il répond à ce risque de la manière suivante : l'IA est seulement du code, un langage de programmation, construit par des humains 👨💻, détenus par les humains et contrôler par eux.
🟢 À ce niveau, je suis plutôt d'accord : toute nouvelle technologie qui compte ou comptera génère une forme de panique morale, irrationnelle dans la grande majorité des cas.
Risque n°2 : l'IA va prendre tous nos emplois !
Là encore, l'auteur défend tout l'inverse : l'IA va engendrer le boom économique 🔥 le plus important et le plus soutenu de tous les temps, avec une croissance record des emplois et des salaires.
Pour lui, les inquiétudes autour du remplacement des emplois par les machines reposent sur le sophisme d'une masse fixe de travail ou Lump of labour fallacy. En gros, les pourfendeurs de l'IA se trompent car le stock d'emplois n'est pas fixe. Certes une machine peut, par exemple, remplacer un emploi. Mais elle peut surtout et indirectement en créer deux autres d'un nouveau genre (ou même bien plus) en parallèle !
Car l'arrivée des nouvelles technologies s'accompagnent d'une croissance de la productivité, c’est-à-dire, une hausse de la production avec moins de ressources, qui génère de nouveaux produits et de nouvelles industries, qui peuvent créer de nouveaux emplois pour les personnes remplacées par les machines dans leurs fonctions précédentes.
De mon côté, je suis assez d'accord avec cet argument : les nouvelles technologies ont détruit certains emplois mais peuvent en créer de nouveaux. Du reste, certaines études montrent qu’il y a eu plus d'emplois crées que d'emplois détruits pendant la révolution industrielle. Cela pourrait aussi être le cas avec l’intelligence artificielle, même s’il faut rester prudent et qu’il n’y a aucun consensus entre les économistes sur ce sujet.
🟠 Car, restons humbles, il reste difficile de quantifier l’impact des innovations technologiques sur la masse d’emplois dans une économie donnée ! Cette dernière dépend des technologies et de la manière dont les secteurs économiques s’adaptent.
De plus, il faut rappeler que le débat autour du remplacement des emplois par des robots ne date pas d'hier. Il en était déjà question dans une édition du New York Times en 1940 🗞️ ! Des exemples (risibles avec le recul) sont aussi à retrouver dans la newsletter "Pessimists Archive" en lien ! Le meilleur étant sans doute l'arrivée des ordinateurs : ces derniers devaient prendre notre place. On voit ce qu'il est advenu !
🔴 Enfin, l'auteur ne dit rien sur la "qualité" des emplois, ni même sur la polarisation grandissante sur le marché du travail (entre les bons jobs très bien payés et les mauvais très mal payés, et la disparition des jobs 'intermédiaires'). Or, comme on le voit aujourd'hui, la révolution numérique génère une ubérisation des emplois et un écart grandissant entre les entreprises de la tech et le reste de l'économie.
Risque n°3 : L'IA va créer des inégalités monstrueuses !
C'est sans doute sur ce risque que l'argumentaire de Marc Andreessen est le moins convaincant. Pour lui, les nouvelles technologies ne restent jamais dans les mains d'une petite caste et finissent par être utilisées par la terre entière.
Pourquoi donc ?
Parce que les grandes entreprises qui développent / développeront l'IA veulent / voudront en faire un marché de masse pour maximiser leurs profits.
Exemple : les Tesla 🚗 vendues par Elon Musk sont de moins en moins chères et donc accessibles à de plus en plus de gens. Même observation pour les ordinateurs, les smartphones et maintenant les panneaux solaires.
Il y a donc une ‘démocratisation‘ progressive des technologies de pointe qui est utile à tous.
Mais M. Andreessen va encore plus loin dans son argumentaire. Il dénonce de manière vigoureuse la centralisation, la régulation excessive 👩⚖️ et les politiques gouvernementales qui tendraient à empêcher cet essor et à retarder la diffusion du progrès technique. Pour lui, c'est cette manière de faire qui pourrait aggraver les inégalités :
"The actual risk of AI and inequality is not that AI will cause more inequality but rather that we will not allow AI to be used to reduce inequality".
Traduction 🇫🇷 : “le risque réel de l'IA et des inégalités n'est pas que l'IA causera plus d'inégalités, mais plutôt que nous ne permettrons pas que l'IA soit utilisée pour réduire les inégalités"
Ces arguments peuvent s'entendre. Seul (gros) problème : il ne dit rien sur la concentration des richesses et sur qui détient - in fine - le capital ?
🔴 Si l'IA génère d'énormes richesses, qui les captera in fine ? Si c'est une toute petite partie de la population au détriment de l'ensemble de la société, les inégalités de patrimoine s'aggraveront automatiquement.
On commence déjà à le voir avec les milliardaires tout-puissants de notre époque : Musk et Zuckerberg se battent aujourd'hui pour le contrôle des réseaux sociaux. Ils concentrent toujours plus de richesses et de pouvoir entre leurs mains.
Attention à la Chine !
En fin de compte, pour Andreessen, le seul vrai risque est que la Chine 🌶️, un régime totalitaire, obtienne le leadership mondial en matière d'IA et l'utilise à de mauvaises fins, entre autres pour le contrôle social ou pour se lancer dans une course à l'armement destructrice :
"Rather than allowing ungrounded panics around killer AI, "harmful" AI, job-destroying AI and inequality-generating AI to put us on our back feet, we in the United States and the West should lean into AI as hard as we possibly can."
Traduction 🇫🇷 : “Au lieu de parler des paniques infondées autour de l'IA tueuse, de l'IA ‘nocive’, de l'IA destructrice d'emplois et de l'IA génératrice d'inégalités, nous, aux États-Unis et en Occident, devrions nous pencher sur l'IA le plus fortement possible”.
Que faut-il en conclure ?
Pour conclure : l'essai de Marc Andreessen est intéressant pour lancer le débat. Il est de nature à remettre en perspective les craintes et inquiétudes suscitées par l'IA pour mieux se préparer à son arrivée.
C'est aussi un plaidoyer pour éviter la mise en œuvre d'une régulation de l'IA trop stricte qui aurait pour conséquence de pénaliser l'innovation et la création de richesse.
En revanche, considérer que l'IA peut devenir le remède à tout me paraît assez présomptueux à ce stade, et ce, en dépit de la capacité transformatrice de cette technologie. En effet, M. Andreessen considère que chaque enfant, chaque étudiant, chaque responsable politique ou chaque scientifique aura un jour un assistant IA pour l’aider dans ses activités. On en est encore très loin !
⚠️ De plus, il ne faut pas oublier que la recherche scientifique en matière d’IA a traversé des phases difficiles depuis sa première apparition en 1943, avec la publication de l'article « A Logical Calculus of Ideas Immanent in Nervous Activity » par Warren McCullough et Walter Pitts. Deux hivers de l’IA ont eu lieu dans les années 1970 et 1990 avec des avancées technologiques limitées et un désintérêt pour le domaine.
Par ailleurs, des drifts ou dérives, restent possibles 🔙 : en matière d’IA, il s’agit d’une évolution progressive des performances d’un modèle d’IA. Au fil du temps, avec l’incorporation de nouvelles données et de nouveaux paramètres, ce dernier peut perdre en précision. On l’a vu récemment avec Chat GPT qui se serait révélé moins bon en juin qu’en mars pour générer du code, selon une étude récente.
À très vite,
Amaury