đŠ„ L'IA nous rend-elle plus paresseux ?
đđ» Bonsoir Ă tous,
Je suis heureux de vous retrouver aujourdâhui pour un format court, comme jâai pu le faire par le passĂ© avec les threads. LâidĂ©e est dâaller dans le fond du sujet directement, sans trop dĂ©velopper, en utilisant le plus possible lâĂ©criture automatique, une technique que jâadore. Pour ce faire, je prends un stylo đïž et une feuille et je note en 15-20 minutes toutes les idĂ©es qui me passent par la tĂȘte et je rĂ©sume le tout en 30 minutes supplĂ©mentaires. Câest un exercice de synthĂšse que je conseille Ă tous.
Aujourdâhui, jâaimerais parler dâun sujet dont on parle encore assez peu : lâimpact de lâIA sur notre maniĂšre de travailler et, par extension, sur nos facultĂ©s intellectuelles. Vous allez le voir câest un vaste champ de recherches encore balbutiant aux conclusions divergentes.
Comme tout le monde le sait, lâapparition des technologies numĂ©riques a profondĂ©ment changĂ© le monde du travail. Elle a aussi totalement transformĂ© notre mode de vie (on fait quasiment tout en ligne aujourdâhui). De maniĂšre moins visible, nos capacitĂ©s cognitives et facultĂ©s intellectuelles đ§ sont aussi profondĂ©ment affectĂ©es.
La grande fracture numérique
Ă ce niveau, il y a deux Ă©coles : certains disent que le niveau intellectuel a littĂ©ralement plongĂ© đ ââïž et quâune âgĂ©nĂ©ration de chochottesâ hyper-sensible, anxieuse, self-oriented, incapable de faire face Ă la moindre difficultĂ© / contrariĂ©tĂ©, est apparue, pour reprendre les mots de Bret Easton Ellis, lâauteur dâAmerican Psycho et de Less Than Zero, un Ă©crivain amĂ©ricain qui a une grande place dans ma bibliothĂšque avec le flamboyant / terrifiant / hyper talentueux et regrettĂ© David Foster Wallace.
Dâautres disent que les conclusions sont beaucoup plus incertaines đ€·ââïž : lâĂȘtre humain serait meilleur dans certaines tĂąches (rĂ©activitĂ©, capacitĂ© Ă switcher trĂšs vite dâun sujet Ă lâautre, Ă crĂ©er des contenus) et moins bon dans dâautres (mĂ©moriser, Ă©crire, lire, se concentrer en gĂ©nĂ©ral).
Certains affirment encore que lâhomme du passĂ© en savait beaucoup sur peu de choses et que lâhomme dâaujourdâhui en sait peu sur beaucoup de choses. Lâhomme contemporain serait, en quelque sorte, plus superficiel.
De mon cĂŽtĂ©, je pense plutĂŽt đââïž que les technologies numĂ©riques ont surtout eu pour effet dâaggraver les diffĂ©rences de niveau intellectuel entre les gens. Ceux qui les maĂźtrisent bien sont sans doute plus intelligents quâavant. Ceux qui les utilisent mal sont encore plus idiots. Bref, la fracture augmente entre les deux groupes.
Les inĂ©galitĂ©s ne sâaccroissent pas quâau niveau du portefeuille et du patrimoine, mais elles sâaggravent aussi dans la tĂȘte. Dans lâensemble, lâimpact serait plutĂŽt nĂ©gatif sur le QI moyen.
LâIA et la crise de sens
Avec lâessor de lâIA, le sujet pourrait prendre une ampleur bien plus vaste. Pourquoi donc ? Parce que nous serions pour la premiĂšre fois directement menacer dans notre intelligence. Or, nous nous sentons humains surtout en raison de notre intelligence. Ce qui nous permet de maitriser les tigres đ nâest pas notre force physique, mais nos plus grandes facultĂ©s intellectuelles.
De plus, nous sommes nombreux Ă retirer de la fiertĂ© Ă exceller dans le monde du travail. Câest un vecteur de stimulation et de reconnaissance. Pourtant, lâIA pourrait bientĂŽt faire plein de choses Ă notre place. Des spĂ©cialistes de lâIA comme Geoffrey Hinton soutiennent que, dâici 20 ans, lâIA nous dĂ©passera dans plusieurs habilitĂ©s cognitives, telles que la persuasion, la planification et les raisonnements scientifiques.
Pour Katerina Lengold, entrepreneuse en neuroscience, nous allons prochainement faire face Ă une âcrise de sensâ. Selon elle, nous sous-estimons largement lâeffet des changements que lâIA provoquera dans nos vies.
Travailleurs augmentés vs. travailleurs diminués
Sâagissant des effets plus spĂ©cifiques de lâIA dans le monde du travail, deux Ă©coles sâaffrontent lĂ encore : la premiĂšre explique đ que lâIA va produire des travailleurs augmentĂ©s. Selon ses disciples, il faudrait sâattendre Ă lâĂ©closion de toute une ribambelle de âjuristes augmentĂ©sâ, de âconsultants augmentĂ©sâ ou encore de âcontrĂŽleurs augmentĂ©sâ.
LâIA permettrait ainsi Ă lâhomme de se libĂ©rer des tĂąches sans valeur ajoutĂ©e, le rendant plus crĂ©atif et plus productif dans son travail, lui permettant de travailler sur des tĂąches plus valorisantes. Câest le beau narratif des top exĂ©cutives pour vendre la technologie auprĂšs de leurs Ă©quipes et rĂ©duire âlâIA anxiĂ©tĂ©â en train de monter chez les employĂ©s.
La seconde Ă©cole est beaucoup moins optimiste : au lieu de nous rendre plus productif, lâIA nous rendrait surtout plus paresseux đŠ„. Notre nouvel âassistantâ propulsĂ© Ă lâIA ferait tout le boulot Ă notre place, ce qui ne nous inciterait pas du tout Ă vĂ©rifier ce quâil fait, quitte Ă laisser passer de grosses erreurs. Nâayant plus aucune activitĂ© cĂ©rĂ©brale, nos capacitĂ©s cognitives se rĂ©duiraient, faisant encore plonger le niveau global, etc. Vous voyez lâidĂ©e.
Un monde du travail en pleine métamorphose
Pour lâheure les Ă©tudes menĂ©es ne permettent pas de trancher complĂštement entre les deux Ă©coles. Ce qui est clair cependant, câest que le monde du travail amorce une mĂ©tamorphose.
Dans cette optique, une Ă©tude conduite par Ethan Mollick, professeur Ă Wharton, une universitĂ© de la Ivy League, montre quâil y a un gain de productivitĂ© Ă utiliser lâIA dans certaines activitĂ©s de conseil mais quâil y a aussi, et câest la face immergĂ©e de lâiceberg đ§, le syndrome du conducteur qui sâendort au volant : le travailleur, dotĂ© dâune IA trĂšs performante, ferait aveuglement confiance Ă son IA assistant.
Pour Ă©viter ces Ă©cueils, deux voies sont Ă explorer selon moi :
Anticiper les consĂ©quences de lâarrivĂ©e massive de lâIA sur nos capacitĂ©s cognitives. Câest ce que fait, par exemple, le Neurointegration Institute et câest ce qui aurait dĂ» ĂȘtre fait avec les rĂ©seaux sociaux đ qui ont des consĂ©quences dĂ©vastatrices sur certains jeunes les plus facilement manipulables.
Travailler beaucoup plus en profondeur quâaujourdâhui sur la maniĂšre dâintĂ©grer lâIA tĂąche par tĂąche, et pas considĂ©rer un poste ou une fonction comme un bloc monolithique oĂč lâIA peut ĂȘtre introduite from scratch sans aucun mode dâemploi, sans aucune co-construction avec lâemployĂ© qui lâutilisera in fine.
NâhĂ©sitez pas Ă voter đłïž, Ă commenter, Ă donner votre avis, ça permettrait de savoir un peu ce que vous pensez de tout ça ! Je suppose que vous avez aussi plein dâavis sur le sujet.
Ă bientĂŽt,
Amaury