POURQUOI L'ITALIE REVIENT AU CENTRE DU JEU EUROPÉEN
Depuis février dernier et l’arrivée de Mario Draghi à la tête du Conseil italien, il y a eu un vif regain d’attention pour la troisième puissance économique de la zone euro. Ceci n’est évidemment pas entièrement du fait de la stature politique « imposante » de l’ancien directeur de la BCE, qui avait laissé sa place de grand banquier central européen à Christine Lagarde en novembre 2019. Il est néanmoins évident que la crédibilité du technocrate italien a joué un rôle prépondérant dans la formation rapide – un peu plus de deux semaines ont suffi – d’un gouvernement de coalition auquel ont décidé de participer la plupart des grandes forces politiques du pays.
De ce fait, Draghi a réussi à dessiner une ligne politique plus claire et à établir un dialogue plus constructif avec la Commission européenne de Bruxelles, un repositionnement bienvenu étant donné les échéances importantes qui se profilent sur la scène européenne. Sur le plan économique, l’ancien président de la BCE a été très actif, en promulguant successivement deux larges enveloppes budgétaires pour soutenir l’économie italienne face à la crise sanitaire, une de 30 milliards d’euros en mars et une de 40 milliards d’euros en avril dernier. Chose rare, l’Italie a également pris le leadership sur des dossiers sensibles en Europe – notamment sur la rétention des vaccins produits en Europe, et plus récemment sur la mise en place d’un passeport vaccinal ; passeport qui sera mis en place dans la péninsule dès la mi-mai, soit un mois avant le passeport européen.
Plan de relance italien : cette fois-ci, c’est différent ?
Le second grand sujet qui a repositionné l’Italie au centre de l’échiquier européen est le plan de relance massif de 235 milliards d’euros qui va être mis en place au cours des prochaines années. L’enveloppe, bien plus large que les autres grands pays européens, s’explique par le fait que l’Italie est parmi les « 4 grands », le seul, pour l’heure, à utiliser les prêts alloués par le nouveau mécanisme européen Next Generation EU, à hauteur de 123 milliards d’euros.
Les attentes sont d’autant plus fortes que ce plan permettrait enfin à l’Italie de combler de déficit chronique d’investissement et de croissance, deux indicateurs qui restent parmi les plus bas en Europe. Une hausse significative des investissements est d’autant plus nécessaire pour compenser l’impact économique lié au déclin démographique, qui s’est accéléré ces dernières années.
Parmi les projets répertoriés dans ce plan, les efforts les plus conséquents portent sur la création de lignes à grande vitesse reliant le nord de l’Italie à l’Europe, le développement de la 5G, des crédits d’impôts pour investir dans les technologies dits 4.0, ou encore un éco-bonus pour encourager la rénovation énergétique des bâtiments. L’un des aspects majeurs de ce plan de relance est que 40% des investissement se concentreront dans le Mezzogiorno, et cela dans le but de combler les écarts de développement entre le nord et le sud du pays.
Le plan de relance italien aura des répercussions très importantes à l’échelle européenne, puisque sa réussite est sans aucun doute, indispensable pour entrevoir la poursuite d’une union fiscale plus poussée au sein de l’UE. L’Italie reste la troisième puissance économique de l’union européenne et pèse pour près de 15% du PIB de la zone euro. C’est également le pays, avec l’Espagne qui a reçu, le plus de subventions du Fond Next Generation EU.
Pour réussir, l’Italie devra faire des réformes de fond importantes et qui n’ont été que très peu adressées par les gouvernements précédents. Lors de son discours inaugural le 17 février dernier, Mario Draghi soulignait notamment les efforts qui seront faits au cours des prochains mois, pour simplifier et optimiser le système fiscal, moderniser les services publics et réduire les délais de la justice.
Malgré l’ampleur de la crise sanitaire sur l’économie, le contexte politique et les perspectives économiques offertes par le plan de relance permettent un certain d’optimisme pour le pays. Mais le plus dur reste encore à faire.
Guillaume DERRIEN - Économiste BNP Paribas