JOE BIDEN : UNE RÉVOLUTION BUDGÉTAIRE HISTORIQUE
Après avoir ratifié un plan de sauvetage de l’économie de 1900 milliards de dollars, l’administration Biden a proposé il y a quelques semaines un nouveau plan gigantesque, connu sous le nom de « Plan américain pour l’emploi » dans les infrastructures et d’autres domaines d’un montant comparable au premier.
Ces deux plans répondent à deux logiques différentes. Tandis que le premier plan, axé sur la lutte contre la crise sanitaire via une aide économique aux ménages, est conçu pour avoir un impact économique important à court terme, le second vise à accroitre la croissance de la productivité et la production potentielle à plus long terme.
Dans cette note, nous rentrerons dans le détail du deuxième plan .
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Les grandes lignes du plan pour l’emploi de Joe Biden
Donnons tout d’abord quelques éléments contextuels. Le plan américain pour l’emploi s’inscrit en réalité dans le cadre d’un effort économique plus large dénommé « Build back better » (« reconstruire en mieux ») qui comprend deux autres volets :
le plan de sauvetage américain : programme de secours lié à la pandémie comme on l’a vu plus haut de 1 900 milliards de dollars ;
le plan pour les familles de 1 800 milliards de dollars présenté il y a quelques jours qui est axé sur la santé, l’éducation et la lutte contre la pauvreté.
Seul le premier des trois plans a été adopté jusqu’à présent. L’ensemble correspond à une enveloppe totale qui équivaut à environ 25 % du PIB américain
Concernant le plan pour l’emploi, les propositions d’investissement totalisent un montant d’environ 2 300 milliards de dollars sur 8 ans et ont pout objectif de stimuler le potentiel de croissance de l’économie américaine sur le long terme.
Il est possible de découper ce plan en deux grandes parties :
La première correspondant aux trois quarts du plan est consacrée à la rénovation des infrastructures souvent en mauvais état, comme les bâtiments publics, le réseau routier, les ports, les infrastructures électriques, l’eau, etc.
La seconde qui correspond au quart restant cible l’innovation et l’emploi industriel.
Le détail des dépenses prévues est fourni dans le graphique ci-après :
Pour le financer, Joe Biden a annoncé 2 000 milliards de recettes supplémentaires sur quinze ans, par l’intermédiaire d’une révision de la fiscalité comprenant deux mesures principales :
le taux d’imposition sur les sociétés passera de 21 % à 28 % (ce qui représentera plus de la moitié des nouvelles recettes sur la période) ;
les profits réalisés par les grandes entreprises aux États-Unis seront taxés à un taux minimum de 15 %.
Le grand retour du keynésianisme
En dépensant de la sorte, le nouveau président entend profiter au maximum de taux d’emprunt particulièrement bas, sans se soucier d’une éventuelle envolée de la dette publique, ni des pressions inflationnistes que de telles dépenses pourraient générer.
C’est donc un vrai changement de paradigme qui s’opère à la fois aux États-Unis et par ricochet dans les autres pays développés. De fait, le levier de la politique budgétaire n’a jamais été autant utilisé qu’aujourd’hui avec la crise COVID. Désormais, la question qui se pose est de savoir si ce n’est pas un peu trop !
Pour mener sa politique, Joe Biden s’inspire très clairement du « keynésianisme », en référence au célèbre économiste anglais John Maynard Keynes.
Le keynésianisme : c'est quoi ?
C'est une théorie économique qui postule que l'intervention active des gouvernements dans l'économie et la politique monétaire sont les meilleurs moyens d'assurer la croissance économique.
Petit aparté : nous avions déjà parlé du sujet sur notre site il y a quelques années quand le FMI et l’OCDE défendaient (déjà) les bienfaits de la logique keynésienne pour relancer l’économie avec, notamment, des dépenses dans les … infrastructures. Oui, l’Histoire est un éternel recommencement !
Par cette intervention active dans l’économie, l’État déclenche un effet multiplicateur (cf. schéma ci-après). C’est ainsi que toute hausse des dépenses publiques va entraîner une hausse plus que proportionnelle de la richesse produite dans le pays. C’est en tout cas le pari du président américain.
Un plan qui vise à rendre l’économie américaine plus verte
Un objectif central du Jobs plan de Joe Biden est de rendre l’économie américaine plus verte et plus résiliente face aux risques climatiques : 56 % des dépenses sont en effet destinées à relever le défi du changement climatique. Très concrètement, il s’agit d’amener à zéro les niveaux de pollution dans le secteur énergétique américain d'ici 2035, et que l'économie du pays atteigne une neutralité carbone d'ici 2050.
Au final, le plan vise à faire des États-Unis le chef de file de la science du climat et de la recherche et développement dans les domaines du stockage de l’énergie, de la séquestration du carbone, de l’hydrogène et de l’éolien offshore.
La séquestration du carbone, c'est quoi ?
C'est tout simplement le stockage du CO2 hors de l'atmosphère. Elle peut être industrielle (artificielle) ou biologique (naturelle). C'est une des techniques permettant de réduire le réchauffement climatique.
En un sens, Joe Biden emboite le pas de Xi Jinping qui s’est fixé fin 2020 un objectif audacieux de neutralité carbone à l’horizon 2060. La rivalité entre les deux superpuissances a lieu aussi en matière de stratégie climatique, et cela est sans doute une bonne chose pour l’environnement.
Comment comparer la politique budgétaire américaine par rapport à celle des autres pays ?
Contrairement à ce que l’on pourrait penser à première vue, la comparaison n’est pas évidente pour deux raisons : d’une part la nature des mesures de stimulation fournies par les uns et les autres et d’autre part le cadre temporel de ces dernières.
En termes de mesures : il peut s’agir de garanties publiques (fonds de solidarité, PGE par exemple) ou de dépenses supplémentaires pour soutenir le revenu des ménages, l’activité des entreprises ou pour améliorer les infrastructures qui ont toutes des effets multiplicateurs propres.
En termes de cadre temporel : les durées des investissement varient. Elles peuvent être immédiates ou s’étaler sur plusieurs années, comme le plan pour l’emploi américain.
Les perspectives budgétaires du FMI pour avril permettent en tout cas de mesurer l’ampleur de l’effort budgétaire mené dans le monde, qui n’est donc nullement un monopole américain ou européen. C’est ainsi qu’un montant global de 16 000 milliards de dollars a été injecté jusqu’à présent pour faire face à la crise sanitaire !
En comparant de manière plus fine les données, un constat émerge : bien que le soutien budgétaire américain ne soit pas le plus important parmi les grandes économies, il est de loin le plus conséquent en termes de dépenses supplémentaires. En revanche, il est beaucoup moins élevé en termes de garanties publiques octroyées, comme le montre le schéma plus haut. Ces dernières constituent une part beaucoup plus importante du stimulus budgétaire en Europe et au Japon.
Conséquence : en Europe et au Japon, ces plans devraient jouer un rôle important dans la limitation des dommages économiques mais pourraient avoir un impact plus limité qu’aux États-Unis sur la croissance du PIB.
Pour autant, les analystes estiment qu’il faudra un certain temps pour pouvoir comparer l’impact de ces politiques à travers le monde et déterminer quelle est l’option la plus efficace entre les garanties accordées et les dépenses supplémentaires ainsi que les types de dépenses mises en jeu pour soutenir l’emploi et les entreprises.
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